2017 08 04 Le truc que Jacques m'a donné s'est mon image.mp3 (5.09 Mo)
Jacques Domeau avait ouvert un cabinet de photographie au cœur du quartier populaire de Maurepas à Rennes. Il y accueillait les habitants pour leur tirer le portrait, gratuitement. Jacques Domeau est mort en novembre dernier mais il n'est pas mort.
Je l'appelais « le beau gosse ». Quand je dis beau, ce n'est pas le physique,
c'est sentir la personne qu'il est. Pour moi, ce n'était pas Jacques, c'était « paparazzi » . Quand il prenait le rayon de soleil, il avait la peau mat.
Il portait une barbe bien taillée. Cela lui donnait un air de paparazzi.
Dans l'atelier photo, il a tout fait. Il a installé sa vitrine, le tourniquet de rencontres, son cabinet. Jacques disait : « Le contrat que je vous donne, c'est que je vous prends en photo gratuitement et je mets votre portrait dans le tourniquet des rencontres et sur le mur. » On n'a jamais parlé d'argent.
De fil en aiguille, les gens revenaient pour parler, prendre un goûter,
ils regardaient les photos dans les tourniquets, se rencontraient dans un magasin, dans un bus.
« Bonjour Madame.
- Excusez-moi... mais je ne vous connais pas.
- Ben oui, mais je vous ai vue sur une photo dans le tourniquet des rencontres.
J'ai vu votre image et j'habite à Maurepas »
Les gens se sont dits tout simplement « bonjour ». C'est formidable. C'est cela ce qu'il a apporté Jacques.
Pour lui, c'était important que les habitants se voient. Il a pris plus de 500 photos en un an. Quand les habitants du quartier ont vu ce qu'il faisait,
ils lui ont proposé de participer à ce qu'ils faisaient, eux : la fête du 1er avril, la soupe avec la mairie de quartier.
Le truc que Jacques m'a donné, c'est mon image. Mon image,
dans le miroir, elle change tous les matins. Celle de Jacques, elle vient de mon enfance. Il m'a rendu une image que j'avais oubliée, de me revoir jouer
avec ma sœur à la dinette.
L'important, c'est d'avoir de l'amour pour quelqu'un. De se dire aussi, « Tiens, Pascal, t'as été comme cela, c'est toi. » Ce n'est pas l'image du miroir,
qui me dit « T'es beau ! ». C'est celle de Jacques, une image qui dit qu'on n'a pas changé, le souvenir est là dans l'image, il ne va plus partir. Cette image,
elle est en toi. Elle est en vie.
Cette année, j'ai pris une claque. J'ai été obligé de m'isoler. La colère est tellement montée que j'avais envie de boire. Le démon était là. Je me suis dit : « Il faut que tu t'isoles à l'hôpital, que tu décompresses et que tu prennes tes outils ».
Mais il me manquait un outil.
L'outil, c'est cette image que Jacques m'a donnée. Je n'avais pas fait attention au début mais à l'hôpital, cette image est venue en moi. A travers lui, à travers cette image qu'il m'a donnée de mon enfance, de ma sœur en train jouer à la dinette, j'ai trouvé mon outil. Quand j'ai envie de boire, cette image, elle disparaît.
Cet homme-là, mon pilier, ce qu'il voulait, c'est m'expliquer que j'étais une personne comme tout le monde mais qu'il y avait des étapes pour s'apercevoir qu'on est tous pareils, avec nos défauts et nos qualités. Si on veut avancer,
c'est à nous de nous accepter.
Jacques m'a quitté. J'ai perdu mon pilier. Mais il m'a donné mon but.
Il fallait une continuité. Pas les portraits... on ne prend pas le travail de quelqu'un qui vient de nous quitter, c'est une question de respect.
Aujourd'hui, il y a les ateliers en sténopé. On cherche un local pour exposer, pour poursuivre la vie du cabinet de photographie. Les gens sont encore investis.
Jacques, c'était un habitant de notre quartier, il était quelqu'un de chez nous,
il est avec nous et il sera toujours là.
Pascal
c'est sentir la personne qu'il est. Pour moi, ce n'était pas Jacques, c'était « paparazzi » . Quand il prenait le rayon de soleil, il avait la peau mat.
Il portait une barbe bien taillée. Cela lui donnait un air de paparazzi.
Dans l'atelier photo, il a tout fait. Il a installé sa vitrine, le tourniquet de rencontres, son cabinet. Jacques disait : « Le contrat que je vous donne, c'est que je vous prends en photo gratuitement et je mets votre portrait dans le tourniquet des rencontres et sur le mur. » On n'a jamais parlé d'argent.
De fil en aiguille, les gens revenaient pour parler, prendre un goûter,
ils regardaient les photos dans les tourniquets, se rencontraient dans un magasin, dans un bus.
« Bonjour Madame.
- Excusez-moi... mais je ne vous connais pas.
- Ben oui, mais je vous ai vue sur une photo dans le tourniquet des rencontres.
J'ai vu votre image et j'habite à Maurepas »
Les gens se sont dits tout simplement « bonjour ». C'est formidable. C'est cela ce qu'il a apporté Jacques.
Pour lui, c'était important que les habitants se voient. Il a pris plus de 500 photos en un an. Quand les habitants du quartier ont vu ce qu'il faisait,
ils lui ont proposé de participer à ce qu'ils faisaient, eux : la fête du 1er avril, la soupe avec la mairie de quartier.
Le truc que Jacques m'a donné, c'est mon image. Mon image,
dans le miroir, elle change tous les matins. Celle de Jacques, elle vient de mon enfance. Il m'a rendu une image que j'avais oubliée, de me revoir jouer
avec ma sœur à la dinette.
L'important, c'est d'avoir de l'amour pour quelqu'un. De se dire aussi, « Tiens, Pascal, t'as été comme cela, c'est toi. » Ce n'est pas l'image du miroir,
qui me dit « T'es beau ! ». C'est celle de Jacques, une image qui dit qu'on n'a pas changé, le souvenir est là dans l'image, il ne va plus partir. Cette image,
elle est en toi. Elle est en vie.
Cette année, j'ai pris une claque. J'ai été obligé de m'isoler. La colère est tellement montée que j'avais envie de boire. Le démon était là. Je me suis dit : « Il faut que tu t'isoles à l'hôpital, que tu décompresses et que tu prennes tes outils ».
Mais il me manquait un outil.
L'outil, c'est cette image que Jacques m'a donnée. Je n'avais pas fait attention au début mais à l'hôpital, cette image est venue en moi. A travers lui, à travers cette image qu'il m'a donnée de mon enfance, de ma sœur en train jouer à la dinette, j'ai trouvé mon outil. Quand j'ai envie de boire, cette image, elle disparaît.
Cet homme-là, mon pilier, ce qu'il voulait, c'est m'expliquer que j'étais une personne comme tout le monde mais qu'il y avait des étapes pour s'apercevoir qu'on est tous pareils, avec nos défauts et nos qualités. Si on veut avancer,
c'est à nous de nous accepter.
Jacques m'a quitté. J'ai perdu mon pilier. Mais il m'a donné mon but.
Il fallait une continuité. Pas les portraits... on ne prend pas le travail de quelqu'un qui vient de nous quitter, c'est une question de respect.
Aujourd'hui, il y a les ateliers en sténopé. On cherche un local pour exposer, pour poursuivre la vie du cabinet de photographie. Les gens sont encore investis.
Jacques, c'était un habitant de notre quartier, il était quelqu'un de chez nous,
il est avec nous et il sera toujours là.
Pascal